Ce n'est pas tellement plus facile, la
deuxième fois. Disons que le côté redite atténue peut-être un
peu la dramaturgie de l'événement : vous n'allez pas courir
après le train tous les ans. Cette fois-ci, je ne vais pas vous
décrire l'effet que ça fait de ranger trois pochettes de textes
dans des cartons – d'ailleurs, je ne les en avais pas sorties.
N'empêche... S'installer dans le wagon
avec toutes ces énormes valises, et regarder le paysage défiler en
songeant que ce n'est encore que le préambule. Envisager de passer
deux jours dans un avion et finalement, contempler son visage dans
les vitres d'un aéroport à l'autre bout du monde. Se retrouver
seuls au milieu de gens qui savent exactement où aller.
L'autre soir, Mathias et moi avons
visionné toutes les vidéos enregistrées aux États-Unis, même
celles qui durent trente secondes et où on entend la voix de Mick
Jagger planer sur les interminables champs de maïs du Kansas.
C'était bien. Je tire une grande fierté d'avoir vu tous ces
endroits. C'est une fierté personnelle, sans rapport avec ce que
font ou non les autres. J'en suis fière parce que j'ai eu peur et
que je me suis sentie isolée, mais que j'avais trop envie d'être là
pour abandonner. Et même si l'approche du départ me noue l'estomac,
cette peur-là n'a rien à voir avec l'angoisse quotidienne de mon
adolescence, ni avec l'anxiété qui m'empoisonne quand je regarde le
temps lézarder le plafond d'appartements exigus, en écoutant le
vacarme de vies inconnues.
Cette peur-là se soigne à coups
d'ivresses bienheureuses, en écoutant de vieux disques de rock,
c'est celle qui me fait courir un peu trop vite pour rattraper le
temps, et peut-être même le dépasser en lui faisant un beau doigt
d'honneur.
Je soignerai toujours ma peur, parce
qu'elle fait aussi bien avancer que la colère, mais sans le goût
amer.
Et puis j'ai tellement hâte de saturer
d'autres disques durs avec les photos de ma vie rêvée ! Qu'y
a-t-il de plus gratifiant que de pouvoir se passer le film de sa
propre histoire et d'y trouver encore matière à s'exalter ?
Une des choses que je trouve les plus
difficiles, finalement, c'est de concilier mes propres projets avec
la manière dont je souhaite m'investir dans la vie des gens que
j'aime. J'aurais vraiment voulu être là pour la naissance du fils
de ma meilleure amie*, oui. Comme j'aurais aimé boire un coup avec
ma frangine quand elle quittera la fac en réalisant qu'elle n'y
remettra plus jamais les pieds et que la vie s'étale devant elle.
Au lieu de ça, je serai loin, en train
de vous abreuver de messages concernant mon charmant nombril :)
Sachez tout de même que, croyez-moi ou
non, je ferais sans hésiter les 17 000km en sens inverse si vous en
aviez besoin.
Tout est question d'équilibre, et si
Mathias et moi n'avions personne à qui raconter nos voyages, ceux-ci
ressembleraient bien plus à des réclusions forcées.
Nous repartons, oui, et puisque je
m'exprime sur un blog cela donnera encore une fois l'impression que
rien d'autre ne compte. Mais ce n'est qu'un carnet de route, un album
photos... Vous qui comptez, j'espère que vous le savez.
*Régina. T'es capable de pas te
reconnaître, j'suis sûre :D Et m'en fous qu'à presque trente ans
on ne soit plus supposé avoir de « meilleure amie ».
Dans les faits, t'es toujours là.
...c'est en partie les hormones, mais d'abord, t'es vilaine de me faire pleurer comme ça un dimanche matin de changement d'heure... et puis après c'est vrai, j'ai ri aussi avec la bande annonce. Très bon choix musical!
RépondreSupprimerVous allez nous manquer...mais j'espère bien que vous allez revenir et que vous allez pas vous transformer en surfer australiens ou pire, en kangourou!
Et puis...j'ai jamais été fan de l'expression "meilleure amie", (rapport à des souvenirs d'école primaire) mais comme dirait cette très chère Lorie "je serais là toujours pour toi, n'importe où, quand tu voudras..."
Elles ont bon dos les hormones, hi hi :D J'ose même pas imaginer dans quel état te mettra le premier gribouillis te représentant avec trois jambes et pas de nez que t'offrira ton ptit loup ;)
SupprimerPS: si je reviens avec les cheveux décolorés et une dent de requin en pendentif, achevez-moi :D