samedi 27 octobre 2012

Australie : la bande annonce

Chapitre 6 - Repartir

Ce n'est pas tellement plus facile, la deuxième fois. Disons que le côté redite atténue peut-être un peu la dramaturgie de l'événement : vous n'allez pas courir après le train tous les ans. Cette fois-ci, je ne vais pas vous décrire l'effet que ça fait de ranger trois pochettes de textes dans des cartons – d'ailleurs, je ne les en avais pas sorties.

N'empêche... S'installer dans le wagon avec toutes ces énormes valises, et regarder le paysage défiler en songeant que ce n'est encore que le préambule. Envisager de passer deux jours dans un avion et finalement, contempler son visage dans les vitres d'un aéroport à l'autre bout du monde. Se retrouver seuls au milieu de gens qui savent exactement où aller.

L'autre soir, Mathias et moi avons visionné toutes les vidéos enregistrées aux États-Unis, même celles qui durent trente secondes et où on entend la voix de Mick Jagger planer sur les interminables champs de maïs du Kansas. C'était bien. Je tire une grande fierté d'avoir vu tous ces endroits. C'est une fierté personnelle, sans rapport avec ce que font ou non les autres. J'en suis fière parce que j'ai eu peur et que je me suis sentie isolée, mais que j'avais trop envie d'être là pour abandonner. Et même si l'approche du départ me noue l'estomac, cette peur-là n'a rien à voir avec l'angoisse quotidienne de mon adolescence, ni avec l'anxiété qui m'empoisonne quand je regarde le temps lézarder le plafond d'appartements exigus, en écoutant le vacarme de vies inconnues.
Cette peur-là se soigne à coups d'ivresses bienheureuses, en écoutant de vieux disques de rock, c'est celle qui me fait courir un peu trop vite pour rattraper le temps, et peut-être même le dépasser en lui faisant un beau doigt d'honneur.
Je soignerai toujours ma peur, parce qu'elle fait aussi bien avancer que la colère, mais sans le goût amer.

Et puis j'ai tellement hâte de saturer d'autres disques durs avec les photos de ma vie rêvée ! Qu'y a-t-il de plus gratifiant que de pouvoir se passer le film de sa propre histoire et d'y trouver encore matière à s'exalter ?

Une des choses que je trouve les plus difficiles, finalement, c'est de concilier mes propres projets avec la manière dont je souhaite m'investir dans la vie des gens que j'aime. J'aurais vraiment voulu être là pour la naissance du fils de ma meilleure amie*, oui. Comme j'aurais aimé boire un coup avec ma frangine quand elle quittera la fac en réalisant qu'elle n'y remettra plus jamais les pieds et que la vie s'étale devant elle.
Au lieu de ça, je serai loin, en train de vous abreuver de messages concernant mon charmant nombril :)
Sachez tout de même que, croyez-moi ou non, je ferais sans hésiter les 17 000km en sens inverse si vous en aviez besoin.

Tout est question d'équilibre, et si Mathias et moi n'avions personne à qui raconter nos voyages, ceux-ci ressembleraient bien plus à des réclusions forcées.

Nous repartons, oui, et puisque je m'exprime sur un blog cela donnera encore une fois l'impression que rien d'autre ne compte. Mais ce n'est qu'un carnet de route, un album photos... Vous qui comptez, j'espère que vous le savez.

*Régina. T'es capable de pas te reconnaître, j'suis sûre :D Et m'en fous qu'à presque trente ans on ne soit plus supposé avoir de « meilleure amie ». Dans les faits, t'es toujours là.