mardi 31 août 2010

An die Freude



Mathias a trouvé du boulot!!!

Chapitre 2

J'ai relu, à rebours, tous les billets postés ici depuis le chapitre 1. Et j'ai pensé qu'il était temps de dresser un premier bilan. Après tout, cela fait quatre mois que nous sommes arrivés. Qu'en est-il des objectifs que je m'étais fixés? Où m'ont menée mes réflexions concernant le nécessaire dynamitage de mes habitudes? Cette traversée a-t-elle été le prélude au recommencement espéré? Autant de questions qui peuvent trouver un début de réponse, à présent que je suis installée.

1.

J'ai réussi la première étape. Je voulais me prouver que le système français était en partie responsable de mon échec à trouver du travail. C'est fait. Je commençais à avoir peur de n'être bonne à rien ; j'avais presque fini par croire la conseillère de l'ANPE, sa voix de glace et ses gestes rigides, quand elle remarquait la nullité de mon CV et sa totale incohérence. Elle avait tord, je le savais, je l'ai prouvé. Je peux subvenir à nos besoins à tous les deux. J'avais promis et je l'ai fait.
En ce sens, ouais, c'est un nouveau départ. J'ai repris à zéro, méthodiquement, et j'ai obtenu ce que je voulais. Et même mieux! Avoir la possibilité de changer de travail, sans passer par une période de chômage de mauvaise augure, ce n'est pas rien. J'ai l'impression que toutes les initiatives que je prends ici sont couronnées de succès : je veux un job, j'en trouve un, je veux en changer pour des raisons pratiques, j'obtiens un boulot à côté de chez moi.
Et ça marche également pour l'association. Je contacte le congrès maghrébin dans le cadre des recherches pour le prochain webzine, on me propose un entretien téléphonique pour la fin de la semaine. C'est agréable!

Gloire à moi, donc, je suis enfin intégrée dans la société, j'ai une vie active comme on dit, le travail étant la consécration (une activité non-rémunérée n'est jamais prise en considération, le bénévolat est une forme de paresse et vous classe dans la catégorie des beatniks). Alors oui, ici débute bien le chapitre 2, je ne suis plus la touriste exilée qui découvre son environnement avec stupeur, je fais partie de ce paysage, de cette ville. Je ne suis plus une étudiante, non plus. J'ai pris des engagements, je vis avec l'argent gagné à la sueur de mon front (quoi qu'on ne sue pas beaucoup, dans les magasins climatisés).

2.

D'un point de vue plus personnel eh bien... C'est plus ardu de répondre à cette question. Je suis assez fière d'avoir accompli ce périple. Se débarrasser de son confort (mental) et de ses habitudes, de la même manière qu'on quitterait de vieux vêtements pour se présenter, nu, à... euh... ah zut, j'aimais bien l'image des habits.
Bref!
Ça, c'était dur, et ça l'est encore, et ça me rend encore plus fière. De toute manière, le plus difficile, c'est de partir, après on n'a plus le choix, il faut bien vivre avec l'incertitude. Partir aide à faire ce que j'essayais déjà à Rennes : toujours renouveler le regard qu'on porte sur les choses, ne jamais croire que l'emplacement des maisons, ou la couleur d'un mur, ou le fait que l'église semble abandonnée, ne jamais croire que ces choses sont immuables. Se laisser surprendre, ne pas croire aux vérités établies. Comprendre, et ressentir, chaque jour, que la vie est mouvement, et que certaines choses ne se voient pas. Déchiffrer les signes, qui n'en sont pas vraiment, n'indiquent pas votre destin (si vous voyez un corbeau, tournez à gauche), mais, si vous arrivez à en voir, j'imagine que c'est une façon personnelle de lire le monde, de se l'approprier, tout en étant à l'affût.

Oui, ce sont des choses qui sont plus faciles à faire quand on se trouve dans un environnement peu familier. Évidemment, à l'envers du décor, il y a une solitude parfois mal dissimulée, la routine, le découragement aussi.

Mais, c'est ça que j'essayais de formuler au chapitre 1 : "Je veux me mettre en danger. Je ne veux pas céder à la facilité, au confort. Je veux être sur la corde, en équilibre. Je veux devoir être lucide, consciente, pour rester en vie. Ne pas m'endormir sur des acquis, jamais." (j'adore me citer moi-même, ça fait pas du tout prétentieux :)) Ça voulait dire : rester à l'affut. Voir au-delà de la trame (du moins, essayer). La trame pour moi, c'est l'ensemble des habitudes, des idées toutes faites, qu'on finit par imposer à la réalité, c'est comme une réseau qui se surimpose sans qu'on en ait conscience, et ça agit comme un filtre. C'est difficile à expliquer, mais j'essaie de m'épanouir, dans un sens presque physique, et je trouve que nos perceptions finissent par s'étriquer, si on les laisse se cogner dans ce réseau. On est comme emprisonné dans quelque chose qui est... chouette, en soi : il y a comme des cases pour tout, famille, amis, travail, loisir, et on peut sauter de l'une à l'autre en fonction des besoins, mais du coup, on ne regarde plus rien, on ne voit plus rien, puisqu'on a fabriqué son propre environnement à partir du réel et qu'on évolue dedans plutôt que dans le monde, vertigineux, sans filet, qui se trouve de l'autre côté, et même à l'intérieur de ce qu'on a créé, mais qu'on a su habilement éviter.

Quel intérêt, me direz-vous. Quel intérêt de se mettre en danger, quand on est toujours limité à soi-même? Eh bien, je n'en sais fichtre rien. La vérité, c'est peut-être que l'homme a cette formidable capacité d'invention, et que son pouvoir créateur est fascinant, et que son œuvre finit bien évidemment par être tout aussi réelle que le ciel infini au-dessus de nos têtes.
Mais, pour arriver à cette conclusion, il faut bien avoir pris du recul sur cette fabuleuse création. Maloriel écrit : "Le meilleur moyen de connaître est d'abandonner ce que l'on sait, ou plutôt ce que l'on croit savoir, car que sait-on vraiment ? On ne sait que ce qu'on est habitué à savoir."
Il y a des gens qui n'ont simplement pas envie de connaître. Moi, c'est mon moteur. Et je pense qu'il existe une possibilité pour que la connaissance que j'acquière dépasse la simple interprétation, personnelle et déterminée, de mon environnement. Je pense que c'est possible justement parce que je travaille, avec courage et sincérité, à effacer les marques et les codes.

3.

Évidemment, c'est, dans la pratique, très difficile à réaliser. Certaines inventions ont acquis une parfaite autonomie, elles sont devenues parfaitement réelles, puisqu'elles ont des conséquences sur tout, qu'elles agissent au quotidien et peuvent modifier des trajectoires, orienter des choix. L'argent, par exemple. On peut s'octroyer une réflexion philosophique sur la valeur de l'argent, on peut même arriver à admettre que la possession matérielle d'un certain nombre d'objets appartient au superflu, est une concession faite à la trame, qui la renforce.
On peut, mais par contre, on peut difficilement lutter contre le pouvoir de cette illusion-là. Dans le monde tel qu'il a été créé, je ne peux donc pas aller voir les baleines comme j'ai tellement envie de le faire. Ni, dans la foulée, les forêts rouges et jaunes. Ça demanderait un investissement que je n'ai pas les moyens de réaliser.

Mais bon. Disons que cela facilite le détachement nécessaire à ma Grande Quête de Connaissance :)

lundi 30 août 2010

Chroniques du dépanneur

- Sitôt présentées, sitôt achevées -

Les gens ne se rendent pas compte de ce qu'ils disent. Chacun voit toujours midi à sa porte, et on le réalise d'autant mieux quand on tient un commerce.
Hier, une femme, entrant dans le dépanneur, se met à frissonner à cause de la clim. Elle se tourne alors vers moi, et me dit : "Fait froid chez vous! Mais vous ne pouvez pas vous plaindre, car nous autres, dehors, on cuit!" Pas une seconde, elle n'a pensé que je ne faisais pas partie des meubles, que je ne m'éveillais pas magiquement dans le magasin tous les matins à six heures. L'idée que j'avais moi-même dû braver la chaleur pour venir prendre mon service ne l'a pas effleurée. Pas plus que l'hypothèse selon laquelle j'aurais préféré, moi, dorer gentiment au soleil plutôt que de me tenir debout derrière un tiroir-caisse. C'est comme le type qui a constaté "vous avez de la chance, avec la clim, vous, vous n'avez pas besoin de piscine!"
En effet.

L'envers de l'anecdote, c'est que je suis d'autant plus reconnaissante envers les jeunes hommes (et les moins jeunes, d'ailleurs) qui me sourient timidement quand j'encaisse leur argent. Eux au moins, ont assez d'imagination pour deviner que je ne porte pas de t-shirt jaune soleil sans y être obligée :)

Ça me fait penser à ce que raconte l'auteur du blog Les libraires se cachent pour mourir. Certains clients ont du mal à concevoir que nous ne sommes pas les entités tutélaires de nos commerces. Surtout dans ces villes où les gens ont l'habitude d'obtenir tout ce qu'ils souhaitent, à n'importe quelle heure. Je crois qu'ils nous voient comme des esprits, incarnant l'idée du service à la clientèle, mais pas comme de vraies personnes avec de vraies vies.
Je trouve ça terrifiant, parce que la plupart des gens ont aussi une opinion sur tout, et je me demande, du coup, sur quoi ils la fondent. Comment juger du salaire des ouvriers ou de la position des fonctionnaires, quand ils ne sont à nos yeux que la matérialisation charnelle d'un concept?

En route vers l'effacement

Dans ces circonstances, je pense que l'avantage de travailler au dépanneur, c'est que j'y étais seule la plupart du temps. Du coup, j'y avais encore une certaine réalité. Les gens pouvaient être contents - ou pas - de découvrir en arrivant qu'aujourd'hui, c'était moi qui tenait les rênes. Que va-t-il se passer à IGA? Je n'y serai plus qu'une caissière parmi dix autres... Robot, surface interchangeable dont on ne retient pas les traits, greffée aléatoirement à la caisse numéro 4 plutôt qu'à la 3. Je comprends pourquoi les caissières sont souvent bien maquillées. Au bout d'un moment, il faut qu'elles redessinent leurs contours, qu'elles les accentuent, il faut que, malgré l'uniforme, elles puissent encore se reconnaître quand elles se regardent dans le miroir. Faute de quoi il ne restera plus d'elles, au bout d'années de labeur, qu'une silhouette sans personnalité, l'image d'un objet utilitaire et jetable.

vendredi 27 août 2010

Adoption

Nous avons un nouveau locataire ! Il est arrivé hier et s'est tout de suite adapté :


J'ai tout de suite été prise d'affection pour cet animal non identifié (raton-laveur* ? panda ? N'hésitez pas à donner votre avis). Le pauvre n'avait pas de code-barre ! Il était donc d'emblée exclu du circuit, jamais il n'aurait la chance de trouver une famille !
De toute manière, l'idée qu'il puisse se retrouver entre les mains dégueulasses d'un enfant baveux, qui l'aurait traîné partout sans aucune considération, ou pire, l'aurait abandonné au bout de deux jours, m'était insupportable. J'ai donc décidé qu'il coûtait 8$ et je lui ai sauvé la vie.
Pour l'instant, il n'a pas de nom, car d'après Mathias, on ne peut le nommer si on ne sait pas à quelle espèce il appartient, je compte donc sur vous.

*mais les ratons-laveurs ont la queue rayée, il me semble, ce qui n'est pas son cas.

Boulot

Ça y est, c'est officiel, j'ai changé de boulot. Enfin, il me reste deux jours à faire à Couche-Tard, demain et dimanche, et ensuite j'en aurai fini avec les interminables trajets en bus. Pour mon nouveau job (caissière, juste caissière), tout ce que j'ai à faire, c'est de traverser la rue, et j'y suis. L'équipe est sympa et mes deux premiers jours de formation se sont très bien passés. Le rythme est pas mal plus soutenu, il y a beaucoup de monde (mais il faut dire que le vendredi après-midi, la plupart des gens sont en week-end, ici). Mais rien ne vaut le plaisir de pouvoir remonter chez moi en speed pour aller chercher mes cigarettes pendant mon quart d'heure de pause.
Sur ce, on m'attend pour un atelier d'écriture en ligne (ma soeur est une vraie dictatrice, quand je pense que c'est à moi qu'on a donné ce titre, je suis outrée). Ciao! :)

lundi 23 août 2010

Meetic roadline

Samedi dernier, j'ai réalisé
1. Que j'étais vieille,
2. Que, l'ignorant jusqu'alors, j'aurais pu interpréter le rôle d'une femme vivant mal le passage de la trentaine, disons.

Je vous explique. Depuis maintenant plusieurs semaines, quand je prends le bus pour aller au boulot, le week-end, je croise un jeune homme que je trouve tout à fait charmant. Je l'ai repéré dès la première fois : cheveux noirs qui tombent un peu sur la figure, mais pas trop, piercings, et t-shirt du Joker (bon, la fois d'après il avait un t-shirt Slipknot, mais il n'est pas le seul, ici ; ils ont juste dix ans de retard). A vrai dire, il me plaisait tellement que je prenais un grand plaisir à ce qu'il sache que je le matais (mais sans lourdeur hein). Je me sentais comme une adolescente, le voir en rentrant à minuit, ça éclairait ma journée. Une vraie midinette. Et samedi, enfin, il me parle! On bosse tous les deux chez Couche-Tard, on a donc pu échanger nos récriminations contre les horribles t-shirts jaunes dont ils nous ont affublés pour l'été. Et puis je lui dis que, vu son look, il doit pouvoir m'indiquer les bars sympa, où on diffuse autre chose que Lady Gaga. Voilà ce qu'il me répond : "en fait, j'ai pas dix-huit ans!"
J'ai vingt-six ans, et je drague des minets qui ont au moins huit ans de moins que moi... Mais je vous assure qu'il est vraiment cute, comme on dit par ici :D

samedi 14 août 2010

Tempus fugit

Ce blog a triste mine, hein. Ce que je devrais faire, ce seraient des billets thématiques. Pour le moment, j'entame ce que je considère comme mon marathon du taf, 8h30 aujourd'hui et demain, 7h lundi, et enfin le week-end. Pour le coup, ça me prend vraiment trop de temps pour que je puisse écrire un truc constructif. J'en ai marre, croyez-le bien. Avez-vous déjà remarqué que "patiente" n'était pas le premier qualificatif qui vienne à l'esprit quand on pense à moi? Pour l'instant, je n'ai qu'une envie, c'est prendre le... le diable? le taureau? je ne sais plus... par les cornes, récupérer l'argent épargné, louer une voiture, et me barrer faire le tour du Québec.
Néanmoins, je vais essayer, dès que j'en aurai l'occasion, d'aller faire un tour au petit Champlain, ou bien aux chutes Montmorancy, et de faire quelques photos.
D'ici là, eh bien... Je vais revêtir ma tenue d'électro warrior, arborer mes porte-bonheurs, et me rendre au boulot avec la détermination de ceux qui n'ont rien à perdre. Rien que ça! :D