mercredi 18 juillet 2012

Yaka aller voir les baleines

Il y a quelques jours, à l'occasion de mon anniversaire, Régina m'offrait Yaka aller voir les baleines... ou comment devenir le héros de son voyage. J'ai eu un véritable coup de cœur pour ce petit livre, qui ne paye pourtant pas de mine. Jérôme Bourgine (attention, ça pique les yeux, le monsieur est écrivain-voyageur, pas graphiste ;)) y partage son code du voyageur, des anecdotes, ses réflexions... Et il le fait avec une simplicité et une poésie qui m'ont fait penser à Daniel Mermet, un autre style de routard certes, mais que j'adore, comme chacun sait.

C'est bien simple : Yaka aller voir les baleines compile TOUT ce que je pense du voyage. Tout ce que mon road-trip aux États-Unis et mon année à Québec m'ont inspiré est résumé dans ce livre, dans une prose bien plus inspirée que la mienne.

"Au commencement était le verbe." Oui, mais lequel? J'en sais deux qui, en voyage, jetant leur pont entre passé et futur, se conjuguent admirablement au présent : "connaître" et "comprendre". Ils font la paire. Le préfixe "con", en latin, signifie "avec". Or, le voyage, élan de l'être vers tout ce qui n'est pas lui, n'incarne jamais rien d'autre que cette soif de l'avec.
Connaître, c'est "naître avec" : une nouvelle expérience [...] Et comprendre, c'est, ensuite, assimiler ce vécu, l'intégrer à ce champ de conscience en en percevant tenants et aboutissants. Ainsi élargit-on peu à peu son être à une dimension toujours plus vaste du réel, de la vie."¹
Anecdotes et conseils pratiques se mêlent à des réflexions sur la nature du voyage et la manière dont il nous change, dans un joyeux bazar qui reflète bien le désordre des sensations ressenties sur la route. Chaque page est un régal pour le moral, parce qu'il y transparaît un enthousiasme et une sagesse qui rendent impatients de nourrir sa propre expérience. Je lis Bourgine et je pense "moi aussi, moi aussi je veux faire ça!" Ou alors je souris parce qu'il "partage les trucs cools" et qu'en l'occurrence je les comprends.

"Et s'il vous arrivait quelque chose?!"
[...]
"Au prix du voyage, on espère bien qu'il va nous arriver quelque chose!"
Mais ce serait bête de réserver ce livre aux seuls voyageurs. Je pense qu'à sa manière il devrait transporter le plus casanier d'entre vous, à condition que vous aimiez voyager en pensée, par la grâce des mots... Et si en plus il vous convainc, c'est... pas de chance pour votre compte en banque :D

¹ "Ah! les "con..." p46. C'est moi qui souligne.

vendredi 13 juillet 2012

J'veux toujours être ailleurs, bis

Un looong message pour la réouverture de ce blog, dans lequel je n'ai eu aucun scrupule à rédiger des titres à l'humour douteux ou au style universitaire bien pédant :)

Les raisons de la colère

Contrairement aux prévisions, celles de mon père par exemple, plus je vieillis, plus je suis en colère. On m'avait assuré qu'avec l'âge venait la sagesse : la perception des nuances, le goût du compromis. Pourtant, plus les années passent et moins je me sens capable d'admettre certaines choses. Si mon adolescence a consisté en une série de petites infractions et de contestations plus ou moins violentes,  en devenant adulte, je suis entrée en guerre.

Je ne sais pas si la situation s'est dégradée, ou si les années m'ont ouvert les yeux. Prenons un exemple : en France aujourd'hui, aucun raciste ne se cache plus. Oh, ils continuent de commencer leurs phrases par "je ne suis pas raciste, mais..."
Mais ils sont bien racistes, et leur haine a été légitimée, institutionnalisée. La peur de l'autre est devenue banale, normale et même, vertueuse.
Je ne me souviens pas que la droite ait jamais haï les socialistes au point de leur préférer le FN. On se croirait revenu au temps de la Guerre Froide : n'importe quel sociopathe patriote est préférable aux rouges. Fillon a même déclaré "on ne communique pas avec les extrémistes, qu'ils se nomment Le Pen ou Mélanchon".
Apparemment, nous n'avons pas la même définition de l’extrémisme. Et si vouloir changer de système relève de l'intégrisme, alors je suis bien contente qu'il y ait eu des fanatiques pour abréger la monarchie.

Il me semble que la différence fondamentale entre Le Pen et Mélanchon, c'est que la première incite les gens à avoir peur. Or, il y aura toujours des "étrangers". La position de Marine Le Pen est facile, intellectuellement parlant. Et c'est cette complaisance qui me débecte.

Je ne supporte plus la bêtise. Et je n'entends pas par là le nombre de points comptabilisés au test de QI. J'entends par là le refus de considérer que le point de vue qui est le notre n'est ni universel ni supérieur. J'ai remarqué que cette démarche allait de paire - logiquement, d'ailleurs - avec une absence totale de curiosité. Il y a des gens qui vous assènent leur opinion sans se douter un seul instant que vous ne la partagez pas. Et s'ils s'en doutent, ils n'ont pas assez d'intérêt (ou de respect) pour vous, pour vouloir entendre ce que vous avez à dire.

Je ne supporte plus non plus cette petite phrase, souvent prononcée avec indignation ou condescendance : "tu sais, avec tout ce qui se passe..." Non, je ne sais pas, justement. Et les gens qui l'emploient ne le savent pas non plus, puisqu'ils argumentent à l'aide d'exemples tirés des journaux, jamais de leur expérience personnelle.


Voilà où je veux en venir : je ne veux jamais, jamais, devenir comme eux. Pour ma part, la seule solution que j'aie trouvé, c'est d'essayer de connaître le plus de choses possibles, de manière à ne pas confondre mon ignorance avec de l'expérience.
C'est pourquoi je reprends la route.

Pourquoi c'est toujours mieux ailleurs

La destination que nous avons choisie me fascine autant qu'elle me terrifie : nous partons en Australie. C'est un peu accidentel en un sens, puisque l'idée, c'est avant tout de partir ; la destination n'est pas le principal. Pour l'Australie, la décision a été influencée par le fait que nous connaissons déjà des gens qui y sont allés, ce qui peut faciliter nos démarches une fois sur place (plus le fait que leurs témoignages étaient enthousiastes). Le fait que la moitié du continent soit recouverte par un désert a également pesé dans la balance :)
C'est d'ailleurs l'aspect fascinant du truc, pour ma part, ainsi que les requins, les koalas et un tas de trucs que je détaillerai prochainement.
Le côté terrifiant... bah c'est loin!
C'est très loin, mon anglais à l'oral laisse franchement à désirer (même si je le comprends bien désormais, elle est loin l'époque où j'ai répondu "yes" quand un membre des Zutons m'a demandée comment je m'appelais :D) et c'est rempli desdits trucs que je suis supposée détailler et qui sont pour la plupart mortels.


Mais c'est une bonne destination parce que j'ai à l'encontre des Australiens des a priori similaires à ceux que j'entretenais sur les Nord-Américains avant de voyager là-bas. C'est plus facile de voir l'ignorance et le racisme chez nos voisins que chez nous. La bonne vieille histoire de la paille et de la poutre. Quand on va à la rencontre des gens, on s'aperçoit qu'ils ne sont que ça : des gens. Alors que les F-Haineux voudraient nous faire croire qu'ils appartiennent à unes espèce très différente et diabolique. La preuve : vous avez vu ce qu'ils font?

A propos de la chance

Je reprends la route, donc. Histoire d'user ma colère sur des kilomètres d'asphalte. Et avant que cela vienne à l'idée de quelqu'un de me faire cette réflexion (mais elle ne viendra certainement pas de vous!) : non, je n'ai pas de la chance. Le prochain qui me dit ça, je... Je ne sais pas encore ce que je lui ferai à vrai dire :P


La chance que j'ai, à la base, c'est d'avoir grandi dans une famille possédant suffisamment d'argent pour me permettre le lycée et la fac. Je ne vais pas revenir sur le fait que c'était en partie un choix de mon père, dont je pense qu'il a beaucoup sacrifié pour ça. Le résultat, c'est bien que j'ai eu de la chance. J'ai aussi été chanceuse de rencontrer Mathias, puisque notre relation nous permet d'élaborer ensemble ce genre de projet, et qu'il gagne plus d'argent que moi, ce qui constitue un apport non négligeable.
Mais ça s'arrête là. Je viens d'avoir vingt-huit ans. Ces dernières années, je les ai passées à peaufiner mes choix et à mettre en place les circonstances qui me permettraient de vivre à ma manière. Les gens qui me disent que j'ai de la chance n'ont pas pensé, apparemment, qu'ils n'étaient pas obligés de faire des gosses (par exemple. Je prends toujours cet exemple parce qu'un enfant, c'est plus coûteux que tous les voyages que je ferai). Leur décision ne me dérange absolument pas d'ailleurs. Il faut juste savoir admettre où l'on met ses priorités.
Moi aussi j'aurais aimé posséder une jolie maison, d'ailleurs je sais exactement à quoi elle ressemblerait. J'aurais également aimé acheter plus de DVD et plus de disques. Mais ce que je voulais par-dessus tout, c'est partir. J'ai donc fait en sorte que cela soit possible.
Les gens oublient souvent que j'ai passé un an derrière une caisse enregistreuse, avant de partir aux États-Unis. Je n'ai pas gagné l'Euromillion.

Des soi-disant vertus de l'expérience

Si à une époque, je passais beaucoup de temps à analyser les processus qui font des gens ce qu'ils sont, j'ai fini par laisser tomber. J'ai constaté que les efforts que je faisais pour comprendre les gens ne m'étaient jamais retournés. Devoir perpétuellement justifier de mes choix devant des inconnus m'exaspère. Je me souviens d'un (ancien) bon ami disant à Mathias "mais si, vraiment, faire des gamins c'est génial, faut essayer!" Moi je trouve génial de voir le Grand Canyon et je pense que ça a changé ma vie, mais bizarrement, dans ce sens, ça ne prend jamais. Et s'il faut tout essayer avant de savoir qu'on n'est pas fait pour, je crois qu'on va vivre une grande période de n'importe quoi. "Bah, t'as jamais baisé un cadavre? Bah comment tu sais que t'aimes pas, alors?!" Je sais pas, parce que ça va à l'encontre de mes convictions et de mes envies?

Pour moi, c'est le fondement du problème. Je connais des personnes qui manifestement ne sont pas sûres d'elles. Mais plutôt que de questionner leurs choix, ce qui les mènerait j'imagine à une conclusion déprimante, elles s'évertuent à essayer de me convaincre de faire comme elles. Pourquoi? 
Elles n'ont jamais eu besoin de mon approbation, et maintenant elles voudraient me modeler à leur image?
Je trouve ça petit.

Le rapport entre le paragraphe précédent et le reste

Il n'y en pas :) J'étais juste énervée quand je l'ai écrit.
La conclusion que j'ai envie de tirer est la suivante : faites ce que vous voulez. Mais vraiment. Avec ce carnet de voyage, j'espère simplement partager avec vous ce qui me fait plaisir, à moi. Parce que comme dit ma frangine : "on a toujours envie de partager les trucs cools".