mardi 16 mars 2010

Québec

Je ne me souviens pas comment nous est venue l'idée de partir. J'ai beau réfléchir, j'ai l'impression que ce projet de départ, qui remonte à plus de deux ans je crois, s'est imposé de lui-même, comme une évidence qui se serait d'un coup allumée au-dessus de nos têtes. J'imagine que j'ai d'abord dû le percevoir comme une possible échappatoire, une nouvelle fuite vers un nouveau recommencement. Je suis adepte des conclusions, car elles appellent d'autres introductions.
Nous n'avons pas appréhendé cette idée en un jour. Je me souviens que d'abord elle était vague, mais déjà définitive. Quand un rêve appartient au domaine du possible (par opposition avec des fantasmes du genre "J'aimerais voir la Terre depuis la Lune" ou "Je voudrais jouer de la guitare sur un disque de Iron Maiden"), Mathias et moi avons pour habitude de ne pas le laisser s'étioler dans les tréfonds d'un tiroir cadenassé dans un recoin de nos têtes. L'idée était là, nous l'avons seulement laissé mûrir, et nous nous sommes donné le temps nécessaire à sa réalisation (mes parents n'ont pas eu la gentillesse de nous offrir un arbre à fric comme ceux de Régina ;))

Mais je me demande quand même comment nous l'avons eue. J'imagine une de nos soirées ordinaires, affalés sur le canapé, un verre de vin à la main, nous enflammant et nous insurgeant, rêvant nos vies, vivant nos rêves éveillés, et là, l'idée serait arrivée, brillante, limpide, évidente. Un peu comme le soir où Maloriel et moi avons décidé de créer l'association : nous discutions de la solitude de l'écrivain, et de la difficulté à prendre du recul sur son propre travail. Et là, j'ai dit : "Eh bien, nous n'avons qu'à créer une association! Comme ça nous ne serions plus seules!" Aussitôt dit, aussitôt fait.
Comme quoi, les idées les plus géniales sont aussi les plus simples :)

Et donc aujourd'hui, alors que je réfléchissais à ce voyage, j'ai réalisé que, si nous avons choisi Québec plutôt que Montréal pour diverses raisons, je n'en avais pas moins aucune idée de ce à quoi ressemblait cette ville. Tout ce que je savais, c'est qu'elle était au bord du Saint Laurent, et puis que de toute façon, le Canada a l'air d'un pays magnifique.

Et tout d'abord, un peu d'Histoire

Parce que nous voulons tous ici être des gens cultivés, n'est-ce pas? ;)

Québec, c'est là¹:


La ville a été officiellement fondée en 1608 par Samuel Champlain, tout près de l'ancien village iroquois de Stadaconé découvert par Jacques Cartier en 1535, à l'occasion de la première exploration française du territoire canadien. Elle deviendra la capitale de la Nouvelle-France, un territoire qui s'est quand même étendu de l'embouchure du Saint-Laurent au delta du Mississipi!
Je vous passe le détail des innombrables conflits ayant opposé la France aux Iroquois ou aux Anglais... Je ne vous conseille pas l'article de Wikipédia qui est bizarrement rédigé², mais vous avez tous accès à une bibliothèque, moi, je n'écris qu'un blog :D
J'ajouterai seulement qu'a priori, le nom de la ville viendrait de l'algonquin kebec, qui signifie "là où le fleuve se rétrécit".

Aujourd'hui, elle est donc la capitale du Québec, qui est une province du Canada. En 2008, elle possédait le plus bas taux de chômage du pays. C'est la seule ville fortifiée d'Amérique du Nord ; la vieille ville est classée au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1985.

Vous voilà bien avancés!

¹ http://www.voyageons-autrement.com/ecotourisme/quebec.html
² Mention spéciale à "l'aide inextrémiste des Amérindiens de Stadaconé [...]" lol



Et alors, ça ressemble à quoi??

Eh bien pour s'en rendre compte, je vous conseille de visiter ce site, qui contient de magnifiques galeries de photo. Personnellement, j'ai été bluffée.
Maintenant que j'ai une idée plus précise de ce que je vais découvrir, je suis ravie que notre choix se soit porté sur Québec plutôt que sur Montréal, qui est une ville beaucoup plus importante en termes de surface et de population, et qui, d'après ce que l'on m'a dit, se rapproche assez de Paris dans son rythme et son ambiance.

Cela dit, j'avais quand même quelques idées derrière la tête quand, pour ma part, j'ai songé à m'exiler à l'autre bout du monde pendant un an. J'espère vraiment avoir l'occasion de voir ça¹:


Et puis ça aussi²:


Et enfin, ça³:


J'espère qu'à présent, vous avez tous très envie de venir me rendre visite. Voire, vous êtes pressés que je m'en aille, pour avoir un prétexte et un logement sur place ;)

¹ http://www.escursia.fr/detail-voyage-Canada-photo-94.html
² http://www.canada-photos.ch/Quebec_Hiver_2008/Ville_de_Quebec/slides/Ville-de-Quebec-Hiver-2008-OJ-11.html
³ http://www.bonjourquebec.com/qc-fr/automne.html

samedi 13 mars 2010

Question existentielle n°1

Partir à l'étranger, ce n'est pas déménager, c'est opérer une sélection drastique des effets à emporter, et abandonner délibérément tout le reste. S'il est certain que je vais avoir du mal à décider quelles fringues emporter au pays des caribous, je me pose pour l'instant une question bien plus déterminante : de quels livres ne puis-je absolument pas me passer?
Après mûre réflexion, j'ai supposé que cinq était un nombre raisonnable, qui ne devrait pas trop alourdir ma valise, et donc éviter de me faire payer une surtaxe (et aussi, accessoirement, me permettre d'arriver à la soulever). Cinq, c'est vraiment très très peu... La question est donc cruciale.

Pour l'instant, j'ai réussi à distinguer quatre livres, mais je réalise avec appréhension que ce choix pourrait évoluer en fonction de mon humeur, et que, quand je serai dans l'avion, je me rendrai compte avec horreur d'un oubli inqualifiable et irréparable.


All my life in 5 books


Ma frangine m'a offert ce bouquin quand j'avais une quinzaine d'années. La libraire à qui elle l'a achetée l'a contemplée avec angoisse, et lui a demandé si je ne lisais que ce genre de choses (je lui avais déjà commandé des livres de Poppy Z. Brite). En son for intérieur, elle s'inquiétait manifestement de savoir si j'étais également en train de pervertir mon adorable petite sœur.
Je n'avais plus ouvert ce livre depuis des années, et pourtant l'autre jour, en le feuilletant, je n'ai pu m'empêcher de ressentir à nouveau la fascination qu'il avait exercée sur moi. Certains passages sont grotesques, d'autres sont tout simplement géniaux, à l'image de leur auteur. J'ai envie de l'emporter parce qu'il me rappelle de bons souvenirs, que ce soit avec ma sœur, quand elle a à son tour découvert le Révérend, ou tout simplement de tout ce qui m'avait plu chez lui et qui a en grande partie construit ce que je suis devenue.


Je l'ai lu il y a deux ans peut-être et j'ai eu du mal à m'en remettre. Je ne crois que beaucoup de livres atteignent à cette puissance. C'est la vie primitive qui s'étale sur ces pages, ça me fait penser à un cœur qui bat, à des percussions tribales. C'est un livre sauvage, brut, et passionnant.
Peu de gens savent parler des enfants en évitant de tomber dans le piège de leur "innocence" intrinsèque. Golding, lui, sait toute la méchanceté gratuite que recèle l'esprit de tout gamin normalement constitué. Il sait que leurs désirs ne tiennent pas compte de la raison. Qu'ils ne sont qu'impulsions et qu'en tant que tels, ils détruisent aisément et sans état d'âme. Mais que, évidemment, ils peuvent aussi développer des sentiments de protection et de loyauté. J'ai lu peu de livres aussi peu manichéens et aussi lucides.


Je l'avais chroniqué ici. Je ne peux pas en dire plus, car j'ai déjà eu du mal à décrire ce que j'avais ressenti à sa lecture. Pour moi, c'est un chef d'œuvre.









C'est duuur de choisir un livre de Léa Silhol! Une femme dont je peux dire sans hésiter qu'elle fait partie de mes écrivains préférés, toutes époques confondues... Mais bon, comme je ne peux en retenir qu'un, ce sera celui-là, parce qu'une bonne partie de l'imagerie qui sous-tend mes rêveries vient de là. Même si les autres vont me manquer. Musiques de la Frontière est un livre magique, poétique, plein de clés et de symboles, de métaphores en forme de fils d'Ariane. Je ne peux pas, et ne veux pas, décrire ce qu'il m'évoque. C'est un univers qui m'emplit tout entière.



Et alors, le dernier livre? Je ne sais pas, je ne sais toujours pas. Errance, le magnifique livre de photos de Raymond Depardon? Âmes perdues? L'enfant arc-en-ciel de Jonathan Caroll? Les Mémoires d'une jeune fille rangée?
Il y en a trop, c'est un calvaire!!


Et vous, quels livres auriez-vous emporté?

Chapitre 1

Les deux dernières fois où je suis partie en voyage, j'ai pris pour habitude de décrire les paysages et de noter mes impressions. Mais ce n'était pas tout à fait un carnet de route, car cela n'en avait pas l'immédiateté ni la précision. Aujourd'hui, alors que je m'apprête littéralement à m'exiler, à tout laisser derrière moi pour découvrir quelque chose de radicalement différent de ce à quoi j'étais habituée, alors que je m'apprête à délaisser mes habitudes et à inventer un nouveau quotidien, j'ai envie de garder en mémoire toutes les étapes de mon voyage. Au risque de formuler des banalités, je crois qu'un tel voyage est aussi un voyage intérieur. A l'heure qu'il est, je suis terrifiée à l'idée de tout quitter, même si j'en meure d'envie. Je suis très friande de recommencements. Un départ, c'est aussi un avènement. Si je souhaite partir, c'est parce qu'il est temps de clore un chapitre.
Je le sens, je le sais, au fond de mes tripes, je veux partir, de peur de ne pas réaliser ce que je suis. La plupart des gens que je connais n'ont pas envie de délaisser leur famille, leurs amis, et les endroits qu'ils connaissent et aiment. Je les comprends, et je respecte ça. Mais moi je ne veux pas passer ma vie à proximité de l'endroit où je suis née. Je n'ai pas envie, pas encore, d'un foyer, d'une ancre à laquelle m'amarrer. J'ai envie de me disperser, de me dissoudre aux points cardinaux, j'ai envie de boire la sève du monde. Cela prend du temps, mais je finis toujours par me sentir à l'étroit. J'ai vécu six ans à Rennes. Il reste bien d'autres choses à voir.
Je veux me mettre en danger. Je ne veux pas céder à la facilité, au confort. Je veux être sur la corde, en équilibre. Je veux devoir être lucide, consciente, pour rester en vie. Ne pas m'endormir sur des acquis, jamais. J'ai peur, oui, mais pour pouvoir me regarder en face, j'ai besoin de partir.

Album photo

Je comptais intituler ce paragraphe "Galerie des portraits", mais je ne sais pourquoi, l'idée d'un album m'évoque quelque chose de plus vivant, alors qu'une galerie, c'est une enfilade de tableaux figés dans l'éternité. Ma tête est pleine des images des gens que j'aime, de souvenirs comme de petits films à jouer dans ma salle de cinéma personnelle. Je rédige ce paragraphe pour livrer à la postérité les portraits de ceux qui vont me manquer. Cela n'intéresse personne, sauf les personnes concernées - et moi - ; cela pourrait sembler niais, mais cela fait partie d'un dessein plus grand - la Mémoire, la Grande Fresque de nos Vies, fanfares et trompettes, etc. Quand on part, la première chose à laquelle on pense, c'est à ceux qu'on quitte, c'est donc l'objet de ce billet.


Maloriel aime réaliser d'invraisemblables potions à base du plus grand nombre d'ingrédients possibles. Quand elle était petite, elle a lu La potion magique de Georges Bouillon et cela a changé sa vie. Depuis, elle confectionne des festins en jetant viandes, herbes aromatiques et légumes dans sa grande casserole, et régale ses convives aux sons de musiques barbares qui donnent envie de danser sur la table. Son chaudron lui sert aussi de laboratoire littéraire, elle aime jouer avec les mots et les contraintes, mélanger les genres et les époques. Elle possède des centaines de grimoires où puiser recettes et astuces, et quand sa formule est fin prête, elle nous captive avec ses mélopées fantastiques, nous hypnotise de ses rimes habiles, et peut même, si elle le désire, faire apparaître tout un monde à nos yeux ébahis.
C'est une enchanteresse, et dans ses caves elle conserve toujours des bouteilles d'élixirs variés, qu'elle délivre avec largesse ; démone, elle résiste toujours aux sommets de l'ivresse - elle en fait même des poèmes.
Depuis quelques années, elle partage son laboratoire avec un noble guerrier que l'on appelle Zankioh, un héros dilettante, auteur de hauts exploits dans tout le Multivers. Quand il ne livre pas d'épiques combats, c'est un compagnon agréable et silencieux, au regard clair comme l'eau dormante d'une mare, où vivent les songes.


On l'appelle souvent Maman Régina et elle dirige sa maison à la baguette. Alan en sait quelque chose : sans elle, on se demande comment il ferait pour nettoyer convenablement une assiette, ou penser à mettre le bon pantalon le matin.
Avoir Régina pour amie, c'est un peu comme avoir une bonne fée marraine. Elle n'oublie jamais votre anniversaire et elle ne porte jamais de jugement sur ce que vous faites. Elle se contente d'être là, de penser à vous et d'essayer de vous faire plaisir. On se demande ce qu'on pourrait souhaiter de plus!
Mais ce serait quand même une fée totalement barrée : une fée rock'n'roll, fan du Velvet Underground et grande amatrice de vin.
Régina, c'est aussi la fille que vous devez appeler si vous êtes sur le point de passer à côté du million : elle sait tout. C'est une encyclopédie vivante de la culture populaire. D'ailleurs, son père a même appartenu à la Compagnie Créole, c'est dire! *rires*¹.
Quant à Alan, c'est le meilleur compagnon de beuverie que vous pourriez trouver. Avec lui, l'entente est forcément parfaite ; entre confidences et délires, il est indispensable à toute fête qui se respecte. D'autant plus qu'à un moment indéfini, avec une subtilité certaine, il se transformera en une créature hybride, mi-homme mi-tonneau de vin, et que c'est une expérience unique et palpitante. Pendant le reste de la soirée, vous n'aurez d'yeux que pour lui, vous demandant avec effarement comment il tient encore debout, car justement, debout, c'est un terme tout relatif : ses yeux se ferment et il tangue comme un bateau en pleine tempête, mais si vous lui proposez une balade en bord de mer, il viendra. Car ce qui compte avant tout, pour Alan, c'est de passer une bonne soirée en votre compagnie. Si c'est pas un ami, ça...


Engleek, comme son nom l'indique, est à la fois geek et anglais. Cela peut sembler terrifiant, et en un sens, ça l'est : il sucre son thé tout en vous parlant dans un langage plein de bips, de zéros et de uns. Il est complètement fou, mais ce n'est pas étonnant : son père, c'est une sorte de Bernard Lavillier², et puis, pour un Anglais, survivre en France est un boulot à plein temps.
Engleek a des yeux de chat, des yeux absolument magnifiques, et quand il s'en va de chez moi pelotonné dans son manteau et l'air tout triste, il est tellement adorable que j'ai envie de lui dire de revenir. C'est une espèce de preux chevalier, quelqu'un qui a un vrai code de l'honneur et qui essaie toujours de s'y tenir. Il se bat génialement avec, en guise de bouclier, un enjoliveur. Il n'arrive jamais chez vous sans une bouteille de bière maison et il donne gratuitement des cours d'informatique.

En temps normal, j'ai besoin de vos supers pouvoirs conjugués pour survivre. Ce serait sympa si vous pouviez vous entraîner, d'ici mon départ, afin que je puisse en profiter même à distance. Je pense qu'en alliant vos capacités spéciales, on devrait y arriver : Engleek n'a qu'à créer un programme qui permettrait de stocker vos compétences sur le réseau, comme ça, je pourrais les télécharger instantanément en cas d'attaque de cafards.

¹ A ne pas prendre pour argent comptant.
² http://www.youtube.com/watch?v=9i3aD_toF9s