Il est 8h34 et je pénètre pour la première fois dans un bus québécois. Je vous entends : « ah, quelle grande aventure! » pouffez-vous insolemment. Eh bien, vous ne croyez pas si bien dire, car à l'étranger, même les transports en commun sont différents. Il faut, quand vous montez, glisser votre coupon dans une espèce de boîte aux lettres. Et n'oubliez pas, si vous devez changer de ligne, de demander au chauffeur une correspondance. Sans quoi, vous aurez l'air bien benêt, au prochain arrêt, sans plus aucun titre de transport valable.
Rassurez-vous, cela ne m'est pas arrivé. Je suis quelqu'un d'organisé, moi. Je me renseigne, moi, avant de faire quoi que ce soit. Le bus m'a donc déposée à côté de la place d'Youville, où je suis montée dans un second bus pour continuer le trajet. Quand on est à l'intérieur, il est impossible de savoir le nom des arrêts qui défilent sur le bas côté. Les abribus portent des numéros, qu'on n'a pas le temps de lire, et c'est tout. Allez donc trouver votre arrêt quand vous ne connaissez pas la ligne, sachant qu'évidemment, aucun plan n'est disponible dans ledit bus. C'est ainsi que, sur le Chemin de Sainte-Foi, avisant un panneau indiquant la direction du Cegep, je me suis ruée hors du véhicule et ai emprunté, confiante, la route prescrite. Après un bon quart d'heure passé à tourner en rond dans le quartier, j'ai compris deux choses : 1) Cegep est un acronyme qui désigne un groupe scolaire. Cela peut comprendre plusieurs collèges et un gymnase, et pas nécessairement une université. 2) Je n'étais pas au Cegep de Sainte-Foi. Renseignements pris, j'avais encore un kilomètre et demi de marche à faire (ce qui, d'après les autochtones, prendrait une bonne demi-heure. Cette estimation m'a plongée dans des abîmes de perplexité. Je me suis demandé si la vitesse moyenne de marche d'un Québécois était à ce point plus faible que celle d'un Français normalement constitué.)
Enfin, je suis arrivée à destination. Je remarque un parking, et des gens qui sortent d'un bâtiment. Ni une ni deux, je fonce. C'est là! Je m'inscris sous les yeux amusées des deux dames qui assurent la réception, qui m'enjoignent, pour commencer, à reprendre mon souffle.
En attendant la prochaine table ronde, je visite. C'est minuscule! Deux étals de libraires se battent en duel dans le hall. Il y a une conférence dans le petit amphithéâtre, que je ne verrai pas, et une exposition dans une salle de cours. Avec la table ronde en train de s'achever, on a fait le tour.
Comme je suis aussi venue pour me faire des contacts, professionnels notamment, je vais parler à un monsieur qui s'ennuie derrière un des étalages. Je lui demande si par hasard, il n'embaucherait pas. L'homme, un grand maigre un peu ébouriffé, semble se réveiller un peu, le temps de m'expliquer que lui, il est Français, et pas du tout libraire. Je le laisse pour aller me griller une clope. Ensuite, je vais assister à la table ronde pour laquelle je me suis levée si tôt ce matin : « Les directeurs littéraires racontent. » Je posterai un compte-rendu de cette rencontre sur Itinéraire-bis, probablement dans la section Ustensiles de style.
Ce qui me frappe dans ce congrès, en plus de sa petite taille, à laquelle je ne m'attendais pas, c'est le public. Il est beaucoup plus adulte, en moyenne, que celui que j'ai pu croiser aux Utopiales, par exemple. En majorité, ce sont de jeunes parents, la trentaine environ, qui sont venus avec leurs petits gosses. Je n'ai pas croisé un seul ado, ni, apparemment, d'étudiant du Cegep. Après la table ronde, je cherche Joël Champetier, qui est censé être en dédicace, mais il a disparu. J'en profite pour aller discuter avec le jeune homme aux cheveux longs qui a participé à la conférence, car, comme aucun des intervenants n'a été présenté, je n'ai pas compris qui il représentait. Il s'avère que c'est le directeur littéraire d'une petite revue qui s'appelle Brins d'Eternité, et qu'il serait tout à fait intéressé, semble-t-il, par une participation de ma part. Youhou! Ajoutez à cela que j'ai discuté avec le libraire d'à côté, d'après lequel il pourrait y avoir du boulot pour moi dans une des filiales de la librairie, et vous comprendrez que j'étais plutôt satisfaite en repartant.
J'aurais bien voulu assister à une seconde table-ronde, à 14h30, mais d'ici là je n'ai rien à faire, aussi je décide de rentrer chez moi, et de revenir plus tard. Brave résolution que je ne tiendrai jamais, par flemme de refaire presque une heure de trajet, plus le fait que je n'ai plus de ticket de bus.
Le lendemain, j'ai terminé de préparer mon book et l'ai fait imprimer chez un Asiat qui ne comprenait pas un mot de ce que je racontais, avant de le déposer avec mon CV à ladite librairie. Première question du mec à l'accueil : « Mais, vous avez un permis de travail? » Non, non, en fait, je suis encore plus idiote que j'en ai l'air. Ou en fait, ha ha, je suis de la commission du travail, bravo monsieur, vous avez réussi le test! Quelle curieuse question, non mais franchement!
A présent je croise les doigts, je les appellerai demain pour savoir si j'ai mes chances.
Et comme toujours, je ne sais pas comment conclure ce que je commence... je me retrancherai donc derrière la lâche et ignoble excuse selon laquelle ceci est un blog et pas un roman, et vous laisserai là, au milieu des points de suspension.