samedi 13 mars 2010

Question existentielle n°1

Partir à l'étranger, ce n'est pas déménager, c'est opérer une sélection drastique des effets à emporter, et abandonner délibérément tout le reste. S'il est certain que je vais avoir du mal à décider quelles fringues emporter au pays des caribous, je me pose pour l'instant une question bien plus déterminante : de quels livres ne puis-je absolument pas me passer?
Après mûre réflexion, j'ai supposé que cinq était un nombre raisonnable, qui ne devrait pas trop alourdir ma valise, et donc éviter de me faire payer une surtaxe (et aussi, accessoirement, me permettre d'arriver à la soulever). Cinq, c'est vraiment très très peu... La question est donc cruciale.

Pour l'instant, j'ai réussi à distinguer quatre livres, mais je réalise avec appréhension que ce choix pourrait évoluer en fonction de mon humeur, et que, quand je serai dans l'avion, je me rendrai compte avec horreur d'un oubli inqualifiable et irréparable.


All my life in 5 books


Ma frangine m'a offert ce bouquin quand j'avais une quinzaine d'années. La libraire à qui elle l'a achetée l'a contemplée avec angoisse, et lui a demandé si je ne lisais que ce genre de choses (je lui avais déjà commandé des livres de Poppy Z. Brite). En son for intérieur, elle s'inquiétait manifestement de savoir si j'étais également en train de pervertir mon adorable petite sœur.
Je n'avais plus ouvert ce livre depuis des années, et pourtant l'autre jour, en le feuilletant, je n'ai pu m'empêcher de ressentir à nouveau la fascination qu'il avait exercée sur moi. Certains passages sont grotesques, d'autres sont tout simplement géniaux, à l'image de leur auteur. J'ai envie de l'emporter parce qu'il me rappelle de bons souvenirs, que ce soit avec ma sœur, quand elle a à son tour découvert le Révérend, ou tout simplement de tout ce qui m'avait plu chez lui et qui a en grande partie construit ce que je suis devenue.


Je l'ai lu il y a deux ans peut-être et j'ai eu du mal à m'en remettre. Je ne crois que beaucoup de livres atteignent à cette puissance. C'est la vie primitive qui s'étale sur ces pages, ça me fait penser à un cœur qui bat, à des percussions tribales. C'est un livre sauvage, brut, et passionnant.
Peu de gens savent parler des enfants en évitant de tomber dans le piège de leur "innocence" intrinsèque. Golding, lui, sait toute la méchanceté gratuite que recèle l'esprit de tout gamin normalement constitué. Il sait que leurs désirs ne tiennent pas compte de la raison. Qu'ils ne sont qu'impulsions et qu'en tant que tels, ils détruisent aisément et sans état d'âme. Mais que, évidemment, ils peuvent aussi développer des sentiments de protection et de loyauté. J'ai lu peu de livres aussi peu manichéens et aussi lucides.


Je l'avais chroniqué ici. Je ne peux pas en dire plus, car j'ai déjà eu du mal à décrire ce que j'avais ressenti à sa lecture. Pour moi, c'est un chef d'œuvre.









C'est duuur de choisir un livre de Léa Silhol! Une femme dont je peux dire sans hésiter qu'elle fait partie de mes écrivains préférés, toutes époques confondues... Mais bon, comme je ne peux en retenir qu'un, ce sera celui-là, parce qu'une bonne partie de l'imagerie qui sous-tend mes rêveries vient de là. Même si les autres vont me manquer. Musiques de la Frontière est un livre magique, poétique, plein de clés et de symboles, de métaphores en forme de fils d'Ariane. Je ne peux pas, et ne veux pas, décrire ce qu'il m'évoque. C'est un univers qui m'emplit tout entière.



Et alors, le dernier livre? Je ne sais pas, je ne sais toujours pas. Errance, le magnifique livre de photos de Raymond Depardon? Âmes perdues? L'enfant arc-en-ciel de Jonathan Caroll? Les Mémoires d'une jeune fille rangée?
Il y en a trop, c'est un calvaire!!


Et vous, quels livres auriez-vous emporté?

4 commentaires:

  1. Hum... En effet c'est un choix difficile. Je suppose que ce serait Océan Mer, d'Alessandro Baricco, parce qu'il m'a marquée, qu'on peut le lire n'importe quel passage, n'importe quand, c'est un gigantesque poème en prose. Alcool, de Poppy Z. Brite, parce que ce n'est pas seulement un bon bouquin, il m'avait vraiment donné la rage de vivre quand je l'avais lu. Tropique du Cancer, de Henry Miller, parce que c'est un de mes classiques, c'est ma vision de l'artiste, c'est cru, brillant, sublime. Alice au pays des merveilles, parce que c'est l'un des fondements de mon univers. Et le cinquième... Bah ce serait sans doute un Giono. Probablement Que ma joie demeure. Magnifiquement écrit, guérisseur, inépuisable.

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  2. Pour ma part, j'en sais trop rien… J'ai presque envie de dire seulement ceux que je n'ai pas lu et qui m'attendent, mais ça serait un peu oublier qui je suis…
    Alors je dirais, comme Mal', Alice, parce ce que c'est aussi moi, Peter Pan, parce que c'est encore plus moi, Bilbo ou le Seigneur des Anneaux, parce que c'est je pense ce qui m'a vraiment donné envie d'écrire, un livre de ma petite enfance, Ranelot et Buffolet et pour le cinquième, je ne sais pas trop… Le K de Buzzati ou peut-être un recueil de nouvelles de Stephen King. Par contre, il me faudrait emmener les 6 tomes de Peter Pan de Loisel !

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  3. Maloriel, tu me remets en mémoire le bouquin d'Anaïs Nin... Mais je ne peux pas l'emmener, il est à... mon dieu j'ai oublié son prénom :X

    Peut-être que ce sera un Clive Barker. Ses livres sont inépuisables.
    Mais tu as raison Gradlon, il ne faut pas oublier les livres de l'enfance. Bon, je pense bien à celui qui raconte les aventures d'un lapin qui traverse le pays des jouets, celui des bonbons, et tout et tout... mais il doit faire un mètre de haut :D

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  4. Ah ouiiii ! Je l'avais oublié celui-là, il était génial :)

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